dimanche 2 juin 2013

VULCAN, DIEU DU FEU (Vulcano, figlio di Giove)

Revenant une fois par an, tel les reportages sur le secrétariat du Père Noël (ou un yoyo qu'on aurait vraiment lancé très fort), la Nuit Excentrique de la Cinémathèque est le genre d’événement qui marque une vie de cinéphage. Cinq ans consécutifs que votre serviteur fait partie des 450 cinglés qui s'amassent douze heures durant dans la salle Henri Langlois. Cinq ans que j'en sors épuisé mais ravi, les neurones tellement anesthésiées que j'en trouve normal que le café où je vais débriefer avec quelques compagnons d'arme facture 6€ un perrier.
Blague à part, ces nuits sont toujours riches en émotion et ce qui se passe sur l'écran n'y est pas étranger.
 Cette année, la Nuit Excentrique s'ouvrait avec de l'inédit: un péplum. Et oui, il est toujours assez dur de trouver un péplum nanar dans la mesure où ce genre abonde de films gentiment kirschs, au scénario convenus et aux acteurs tout à fait corrects. Le plus souvent c'est dans le bestiaire qu'un péplum peut se "nanardiser": à ce titre certains films comme "Persée l'Invincible" ou encore "La Vengeance d'Hercule" sont d'excellents exemples. Si, même dans ces cas là, nous pourrions avoir des scrupules, il y en a d'autres où la nanardise du bazar ne fait absolument aucun doute et "Vulcan, dieu du feu" en fait partie.
A noter que, lors de sa sortie en VHS, un éditeur un peu taquin tenta de vendre le film comme un films d'heroic-fantasy. (source: nanarland.com).
Ce n'est pas une faute de frappe: c'est bien de "Vulcan" qu'il est question, un traducteur facétieux n'ayant pas vu dans le "Vulcano" du titre original le nom italien du dieu Vulcain dont le film va tenter de nous retracer le mythe. Je dis bien "tenter" car le scénario va prendre des libertés avec l'histoire originale. Plus que de prendre des libertés, on peut même dire que le scénario lui met une main aux fesses à la mythologie.
Comme dans tout bon film mythologique, tout commence dans l'Olympe, la demeure des dieux. Des dieux qui, en matière de décor ont des goût à hurler: on dirait plus la garçonnière de Tony Montana que la demeure ancestrales de divinités immortelles. Et je ne parle même pas de la fumée sur le sol qui donne l'impression qu'une convention de clones de Bob Marley s'est réunie à l'étage inférieur.
Nous sommes dans l'Olympe, donc, et Jupiter n'est pas content. Pourquoi donc ? Disons qu'il n'est pleinement satisfait du comportement de sa fille, Venus, déesse de l'amour, dont le professionnalisme dépasse, à son goût, les limites de la bienséance. Comprenez par là qu'elle saute sur tout ce qui bouge (ou bouge sur tout ce qui saute), comportement que tout père un tant soit peu responsable se doit de réprouver. Afin de mettre fin à ce comportement, Jupiter décide de la marier au dieu le plus laid de l'Olympe, Vulcain. On objectera que cela n'a jamais empêché les escapades ça et là mais n'oublions pas que nous sommes dans un film italien.
Dans la mythologie classique, Venus est effectivement mariée à Vulcain, mais non par Jupiter, par Junon, jalouse de la beauté de sa belle-fille. A ce propos, quelques informations intéressantes pour la suite: Vulcain, de même que Mars, sont les fils de Jupiter et de Junon. Venus, elle, est la fille de Jupiter et de Dioné, une divinité marine (pour faire simple). Cela fait donc d'elle la demi-sœur de ses soupirants; niveau consanguinité, on est pas loin des rednecks du Wyoming.
Ce qui est amusant avec Venus c'est cette manie de se coller à tout ce qui ressemble à une colonne. Si vous y voyez un symbole phallique vous êtes un obsédé (mais vous n'aurez pas forcément tort).Vénus, soit-dit en passant, n'est pas contre le fait d'épouser Vulcain (surtout que celui-ci est joué par un culturiste israélien), d'autant plus que cela ne l'empêche pas de batifoler à droite à gauche. Par "à droite à gauche", comprenez "dans les bras de Mars", qui s'insurge même contre le fait que ce soit à cet avorton de Vulcain que la plus belle déesse de l'Olympe soit promise.
Vulcain dans ses œuvres, tapotant, avec l’énergie d'un spaghetti cuit une pauvre épée qui ne lui a rien fait avec un marteau tout aussi innocent.
Furieux que son propre fils s'oppose à sa volonté, Jupiter décide donc de prendre des mesures radicales pour punir Mars, ainsi que Vénus: il les prive de leurs pouvoirs et les envoie sur la terre où, durant trois mois, ils devront partager la vie des mortels. Vulcain, qui n'avait pourtant rien demandé, partage lui-aussi ce sort, non du fait de Jupiter mais de Pluton (joué par un Gordon Mitchell tout en rires sardoniques). Pourquoi Pluton se mêle-t-il de ça ? La réponse est simple: parce que !
Balancé du haut de l'Olympe jusque sur les côtes siciliennes, Vulcain est recueilli par la fille de Neptune, Etna, qui, on ne sait pourquoi, le reconnaît immédiatement. La scène n'est pas sans rappeler le sauvetage d'Ulysse par Nausicaa, bien qu'elle puisse également faire référence à la nymphe Thétis. Celle-ci, dit-on, recueillit Vulcain enfant après que celui-ci en ait été balancé du haut de l'Olympe par Junon, honteuse d'avoir mis au monde un enfant contrefait. A noter que la Junon de ce film, présentée comme une mère attentionnée (enfin, comme la seule personne ayant quelque-chose à faire de Vulcain) est assez éloignée de la Junon mythologique, adepte des saloperies en tout genre pour nuire à son prochain.
Notons que Vulcain n'est pas recueilli longtemps: celui-ci, ainsi qu' Etna et ses amies, se font assez rapidement capturer par un régiment d'hommes lézards parmi les plus craignos qui m'aient été donné de voir.
Enfermé dans le repaire des reptiliens, accompagné d'un bon nombre d'autres prisonniers, Vulcain ne doit sa survie qu'à une astuce efficace bien qu'à l'élégance douteuse. L'un des prisonniers, un nain, est dissimulé dans un panier d'ordures et balancé à l'extérieur, de façon à pouvoir donner l'alerte. Alerter qui ? Et bien Neptune pardi ! Etna est sa fille, tout de même.
L'occasion de faire connaissance avec un Neptune dont on comprend aisément pourquoi c'est son frère qui est devenu le big boss: passant le plus clair de ses courtes apparitions à chercher ses mots et à parler à la vitesse d'un escargot unijambiste, on en vient à se demander si l'ivresse des profondeurs n'aurait pas pris chez lui des airs de bad trip hallucinatoire.
Quoi qu'il en soit, à la demande du nain, Daddy Cool envoie des hommes à lui délivrer les siciliens des ignobles hommes lézards et tout rendre dans l'ordre.
Et Etna fête ça par une danse de la victoire, tout à fait inutile, d'autant plus qu'elle danse comme une patate.
Et Mars me dites-vous? Et bien c'est le dieu de la guerre, n'oubliez pas, et il fait ce que le dieu de la guerre sait faire le mieux (après les tartes aux pommes mais ça la mythologie classique en parle peu). Comprenez par là qu'il lève une armée afin de s'emparer de l'Olympe et de détrôner son père. Pour cela, il compte sur l'aide du roi de Thrace (sur lequel je m'abstiendrai de faire le moindre jeu de mot) et de Vénus, qui ne va pas se faire prier pour se faire jeter dans ses bras.
Prendre l'Olympe de ne fait pas comme ça: les titans s'y sont bien essayés et ils se sont cassé les dents. Autant dire qu'une armée de mortels risque également de subir le même sort. Le plan de Mars est donc simple: capturer des esclaves (les même siciliens que tout à l'heure) et construire une tour jusqu'au sommet de l'Olympe...
Non, je déconne,
A tiens, non!
Et pendant ce temps, Vénus écoute le plan diabolique de Mars, en toute simplicité.
C'est donc là que les Athéniens s'atteignirent: furax de voir son frère kidnapper ceux qui l'avaient recueillis, Vulcain part à sa poursuite, accompagné du nain de tout à l'heure. Ceux-ci volent des chevaux thraces opportunément abandonnés là (d'autant plus opportunément que parmi ces chevaux se trouvait un poney, comme s'il était prévu qu'un voleur puisse faire un mètre 30). Il sont suivis dans leur périple par Etna, qui, malgré le fait de s'être vue ordonner de rester chez son père s'occuper de ses casseroles (avec un peu plus d'amabilité que ça, tout de même), n'en a pas moins décidé de suivre nos deux héros à distance. A noter que celle-ci a suffisamment de personnalité pour désobéir et qu'elle est suffisamment optimiste pour penser pouvoir rattraper à la course deux hommes à cheval (optimiste ou idiote, la frontière est parfois mince).
S'ensuit vingt à trente minutes de poursuite: Vulcain poursuit les Thraces, Etna poursuit Vulcain, et des hommes des cavernes poursuivent Etna.
J'avais oublié un détail: le rôle d'Etna va essentiellement consister à se faire capturer, un peu comme Daphné dans Scooby-Doo.
Ce qui marque également dans "Vulcan dieu du feu", c'est la lenteur de la seconde moitié du film: comme si, une fois l'histoire posée, le scénariste ne savait pas comment la terminer. Par exemple, quand je vous dis qu'au moins vingt minutes du métrage consistent à voir des gens chevaucher à travers les montages ce ne sont pas des exagération. Une scène à la fin nous gratifie même d'un gravissement de colline en temps réel.
Le pire étant que tout se termine plus ou moins sur un Deus ex machina au sens premier du terme, comprenez par là que Jupiter tape du poing sur la table récompense les gentils punit les méchants et qu'à la fin du film tout le monde est content (sauf les méchants).
L'espèce d’échafaudage au loin est sensé être la gigantesque tour destinée à atteindre l'Olympe. Autant dire qu'au rythme où ça allait, Jupiter pouvait dormir tranquille.
En définitive, "Vulcan dieu du feu" appartient à cette catégorie de péplums vite tournés avec un casting cosmopolite (avec des acteurs jouant chacun dans sa langue et ne se comprenaient pas), des décors en carton et de vagues souvenirs glanés en cours de latin. Il s'agit de défauts courants dans ce type de film, ce qui est moins courant c'est de voir un film compiler tous ces défauts et de les sublimer jusqu'à la caricature, dans une histoire qui commence sans réelle raison et se termine sans réelle raison, dans une espèce d'improvisation totale. Nanar, il l'est par les détails: les scènes de remplissage, les incohérences scénaristiques, Vénus qui minaude, Hermès qui minaude aussi (et qui est plus proche du sac à main que du dieu), des monstres craignos, un Gordon Mitchell tout en rire méphistophéliques ou encore un acteur principal qui donne tout le long du film le sentiment de ne pas vraiment savoir ce qu'il fout là et à qui je serai curieux de savoir comment on a vendu le rôle de dieu le plus laid de l'Olympe.

x


Genre: Mains d'or, corps d'albâtre et colonnes en carton.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire